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CRÉATION en 2000
Avec les comédiennes :
Marie-Françoise Savary,
Aurélie Dufour,
et Eléonore Grave.
Mise en scène de Jean-Yves Lenoir
Un "show" de la grande Marguerite ! Marguerite devant sa feuille blanche essaie d'écrire une pièce de théâtre. Marguerite devant l'immensité de la mer et des marécages du Siam, rassemble ses souvenirs. Un texte très personnel, sensuel et poignant, écrit par une femme blessée, joué par deux femmes, dans la splendeur de l'âge pour l'une, dans l'énergie de la jeunesse pour l'autre. Une mise en scène respectant l'ensemble des notes et didascalies de l'auteur.
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« Je pense que c’est une pièce sans personnage. Je donne certaines propositions. Mon rôle n’est pas de les vérifier, de faire la police pour savoir si Madeleine est ou non la mère de la jeune femme. Mon rôle ici est de rendre compte de ce qu’est un amour. La petite fille de Savannah Bay, qui s’appelle aussi Savannah – ici tout est Savannah, villes et personnes – est morte d’amour. On sait qu’elle a rencontré son amant pendant l’été, à un certain endroit d’une mer chaude, qui est peut-être la Méditerranée, qu’elle avait seize ans, et qu’elle s’est tuée un an après, le jour de ses couches.
Il n’y a sans doute rien de plus difficile que de décrire un amour. Pourquoi c’est difficile ? Parce que l’amour, c’est la monnaie courante de toutes les œuvres, culturelles, musicales, picturales, romanesques, philosophales et tout. Il n’y a rien de moins cernable, c’est la banalité inépuisable, inépuisée. Je crois que, jusqu’à son dernier soupir, l’humanité se nourrira de ça, du conte amoureux. Et c’est là, dans sa plus grande banalité qu’elle est au mieux de l’égalité, au plus près de l’égalité dans son passage à la mort et dans son silence.
L’amour ne peut être connu, vu, que de loin, du dehors. Dès qu’il commence, il perd la faculté de se dire, il s’obscurcit et se ferme sur lui-même. Ne reste que cette apparence toujours miraculeuse des amants – apparence à partir de quoi on essaie de les atteindre. C’est ça aussi que j’essaie d’atteindre. Dans Savannah, l’enfant ne prend jamais la parole, la mère et la fille ne prennent jamais la parole à la place de l’enfant morte. Elles racontent, elles mettent en scène les lieux où s’est passée l’histoire, c’est-à-dire la pierre blanche au milieu de la mer, l’été, la mer épaisse, la mer lourde, la mer bleue, le bleu de la mer, le blanc de la pierre, le maillot noir de l’enfant, son corps mince, et le sourire, le premier sourire, et comme elle a été sortie de l’eau, une petite anguille, etc. Et comment il l’a embrassée et comment elle l’a regardé. »
Marguerite Duras |
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